TADAO ANDO

Portrait Tadao Ando © Photo Nobuyoshi Araki
Portrait Tadao Ando © Photo Nobuyoshi Araki
Le Centre Pompidou consacre une très riche exposition à l’un des maîtres de l’architecture d’aujourd’hui. À voir avant le 31 décembre 2018. Bien sûr, le titre de mainte exposition laisse sceptique (tout est « fabrique », tout va « d’un génie l’autre »), – mais on accordera facilement que celui-ci, « Tadao Ando, le défi », est des plus judicieux. Qu’affronta donc l’architecte japonais né à Osaka en 1941, lauréat du Prix Pritzker en 1995, que célèbre aujourd’hui le Centre Pompidou (après tant d’autres institutions mondiales) ? On avait pourtant en tête une vague idée, n’appelant pas pareille apposition : un univers noblement grisé qui, comparé par exemple à celui de Jean Nouvel ou de Zaha Hadid, évoquait peu le casse-tête ou l’affrontement. Et pourtant ! c’était oublier encore que l’évidence s’apparente à la quête, ce qu’une telle exposition et le catalogue qui l’accompagne – où l’on découvrira ce genre de raretés : dessins à la mine de plomb, carnets de voyage et photographies prises par l’architecte lui-même – permettront de se remémorer. Que défia-t-il, à quoi répondit-il ? Abandonnant la boxe, désireux d’apprendre son futur métier mais empêché, pour des raisons pécuniaires, d’intégrer l’université, Tadao Ando fut d’abord un autodidacte qui, de 1962 à 1969, parcourut l’Europe, les États-Unis et l’Afrique pour comprendre ses prédécesseurs. Ainsi, séjournant à Paris, il visite plusieurs fois la Villa Savoye, qui lui résiste. Une fois terminé son Grand Tour qui l’enrichit sans doute d’autant de questions que de réponses, il fonde son agence,...

Le Centre Pompidou consacre une très riche exposition à l’un des maîtres de l’architecture d’aujourd’hui. À voir avant le 31 décembre 2018.

Bien sûr, le titre de mainte exposition laisse sceptique (tout est « fabrique », tout va « d’un génie l’autre »), – mais on accordera facilement que celui-ci, « Tadao Ando, le défi », est des plus judicieux. Qu’affronta donc l’architecte japonais né à Osaka en 1941, lauréat du Prix Pritzker en 1995, que célèbre aujourd’hui le Centre Pompidou (après tant d’autres institutions mondiales) ? On avait pourtant en tête une vague idée, n’appelant pas pareille apposition : un univers noblement grisé qui, comparé par exemple à celui de Jean Nouvel ou de Zaha Hadid, évoquait peu le casse-tête ou l’affrontement. Et pourtant ! c’était oublier encore que l’évidence s’apparente à la quête, ce qu’une telle exposition et le catalogue qui l’accompagne – où l’on découvrira ce genre de raretés : dessins à la mine de plomb, carnets de voyage et photographies prises par l’architecte lui-même – permettront de se remémorer. Que défia-t-il, à quoi répondit-il ? Abandonnant la boxe, désireux d’apprendre son futur métier mais empêché, pour des raisons pécuniaires, d’intégrer l’université, Tadao Ando fut d’abord un autodidacte qui, de 1962 à 1969, parcourut l’Europe, les États-Unis et l’Afrique pour comprendre ses prédécesseurs. Ainsi, séjournant à Paris, il visite plusieurs fois la Villa Savoye, qui lui résiste. Une fois terminé son Grand Tour qui l’enrichit sans doute d’autant de questions que de réponses, il fonde son agence, dans sa ville natale. L’une de ses premières – elle date de 1976 – et plus célèbres réalisations, la Maison Azuma, illustre à merveille cette pensée que Tadao Ando écrivit dix ans plus tard : « Tel un fort érigé dans le désert, le mur n’est pas seulement une barrière protectrice mais aussi une tête de pont spirituelle ; il impose sa présence dans le flux changeant de la ville et récuse toute idée préconçue de communauté. » ; soit une entrée surmontée d’une chambre, une cuisine surmontée d’un salon, espacés par une cour pareillement oblongue où s’inscrivent un escalier et une passerelle ; un lieu au milieu de ces mondes que lance, transparente, avide et colorée, la vie moderne. S’affirment déjà ici les grands principes de la pensée et de l’art de Tadao Ando : usage du béton lisse et intégration des éléments naturels tels que la lumière et l’eau (équilibre entre les idées de nature et de culture) ; emploi des formes géométriques essentielles, le cercle, le rectangle, le carré (l’architecte se souvient de l’oculus du Panthéon comme des toiles de Joseph Albers) ; recherche d’une expérience corporelle intense, essentielle, recueillement, fixation, cheminement, déambulation… (il se souvient aussi des Prisons de Piranèse).

Maquette de la Maison Azuma à Sumiyoshi, 1976 Centre Pompidou, Paris © Photo Georges Meguerditchian Dist RMN GP
Église sur l’eau, 1988 © Photo Yoshio Shiratori
Maison Azuma à Sumiyoshi 1976 © Photo Shinkenchiku-sha

sert d’abside soumise aux saisons, redisent que le Dieu des Chrétiens est d’abord le Créateur ; qu’Il est celui qui lâcha ces oiseaux à qui saint François d’Assise, dit-on, prêchait. L’art d’intégrer, de dialoguer, de s’effacer et en même temps de ne pas s’effacer, voici peut-être le secret – s’il est vrai que tous ceux qu’on admire en ont un – de Tadao Ando. On pourra le supputer aussi en considérant sur place ou dans cette exposition les « aménagements » qu’il fit dans tel ou tel bâtiment ancien, préexistant. Ainsi créa-t-il à Venise, dans la Pointe de la Douane, des espaces qui, sans trahir l’énergie qui vous pousse vers la proue, vers la Fortune dressée là-haut, vous incitent en même temps à vous
déplacer perpendiculairement à cet axe, à monter et descendre autrement, calmement, dans ces entrepôts devenus muséaux. Et nous admirerons bientôt à Paris, non loin du Centre Pompidou, la Bourse de Commerce (le nouveau lieu choisi par François Pinault pour y présenter les pièces de sa collection) semblablement enrichie : prolongement idéal de cette exposition qui allait déjà vers la Vie, au-delà des cimaises et des vitrines, de part et d’autre de la Fontaine Stravinsky et du chefd’œuvre de Renzo Piano et Richard Rogers : là s’élève pour un petit mois encore une réplique – échelle 1/1 – du mur crucifère de l’Église de la lumière.

Maquette de Punta della Dogana, 2009 © Photo Shigeo Ogawa
Maquette de la Bourse de Commerce, 2016 © Photo Tadao Ando Architect & Associates

Benoît Dauvergne

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