Anselm Kiefer, l’Alchimiste de la Mémoire

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[vc_row][vc_column width="1/1"][vc_column_text] Brutale et raffinée tout à la fois, balançant entre création et destruction, ésotérisme et pensée hébraïque, l’œuvre titanesque du plasticien allemand Anselm Kiefer se déploie sur quelque 2 000 m2 au Centre Pompidou. De la fabrique des ruines aux grandes compositions végétales, la traversée est magistrale. - Par Bérénice Geoffroy-Schneiter Mann im Wald [Hommedans la forêt], 1971Acrylique sur toile de coton174 x 189 cmCollection particulière,San Francisco© Ian Reeves Comment s’autoriser à un être un artiste allemand lorsque l’on est né en mars 1945 sur les décombres de l’Empire nazi et que le monde a découvert avec stupéfaction l’horreur des camps de concentration, tel est le défi relevé douloureusement par Anselm Kiefer. Loin de tourner le dos à l’amnésie collective, l’artiste n’a eu de cesse d’interroger l’histoire opaque de son pays, de bousculer les consciences en interrogeant les mythes germaniques, de creuser jusqu’aux strates les plus profondes de la mémoire pour y cautériser les plaies purulentes en guise de catharsis. Obsédé par l’Histoire et ses cycles incessants de construction et de destruction, Anselm Kiefer s’est fait l’architecte de ruines grandioses pour dire la fragilité des civilisations et leur propension maladive à s’autodétruire. Boueuses, poisseuses, noirâtres, striées de filaments de paille, empâtées de cendres et d’éléments carbonisés, ses immenses toiles sont des champs de bataille hantés par la décomposition. Exilé volontaire ayant choisi la France comme terre de création, l’artiste allemand n’a pas toujours été compris par ses compatriotes. Ces derniers lui reprochaient-ils de jouer avec le feu en mettant...

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Brutale et raffinée tout à la fois, balançant entre création et destruction, ésotérisme et pensée hébraïque, l’œuvre titanesque du plasticien allemand Anselm Kiefer se déploie sur quelque 2 000 m2 au Centre Pompidou. De la fabrique des ruines aux grandes compositions végétales, la traversée est magistrale. – Par Bérénice Geoffroy-Schneiter

Mann im Wald [Homme dans la forêt], 1971 Acrylique sur toile de coton 174 x 189 cm Collection particulière, San Francisco © Ian Reeves
Mann im Wald [Homme
dans la forêt], 1971
Acrylique sur toile de coton
174 x 189 cm
Collection particulière,
San Francisco
© Ian Reeves

Comment s’autoriser à un être un artiste allemand lorsque l’on est né en mars 1945 sur les décombres de l’Empire nazi et que le monde a découvert avec stupéfaction l’horreur des camps de concentration, tel est le défi relevé douloureusement par Anselm Kiefer. Loin de tourner le dos à l’amnésie collective, l’artiste n’a eu de cesse d’interroger l’histoire opaque de son pays, de bousculer les consciences en interrogeant les mythes germaniques, de creuser jusqu’aux strates les plus profondes de la mémoire pour y cautériser les plaies purulentes en guise de catharsis. Obsédé par l’Histoire et ses cycles incessants de construction et de destruction, Anselm Kiefer s’est fait l’architecte de ruines grandioses pour dire la fragilité des civilisations et leur propension maladive à s’autodétruire. Boueuses, poisseuses, noirâtres, striées de filaments de paille, empâtées de cendres et d’éléments carbonisés, ses immenses toiles sont des champs de bataille hantés par la décomposition. Exilé volontaire ayant choisi la France comme terre de création, l’artiste allemand n’a pas toujours été compris par ses compatriotes. Ces derniers lui reprochaient-ils de jouer avec le feu en mettant en scène les vieux démons d’un passé qu’on eût préféré ensevelir à jamais ? Au cours de l’année 1969, l’artiste réalisera, en effet, une série d’autoportraits photographiques où il apparaît vêtu de l’uniforme que portait son père dans la Wehrmacht et faisant le salut hitlérien. Perçues à leur origine comme des apologies du passé nazi allemand, ces œuvres à mi-chemin entre photographie et performance étaient en réalité teintées d’une dérision toute chaplinesque. Ajoutez à ces mises en scène — que d’aucuns jugèrent douteuses voire obscènes — ces grandes compositions revisitant les grands mythes wagnériens (un musicien adulé par le Troisième Reich), et l’on comprend aisément le malaise suscité par l’œuvre d’Anselm Kiefer auprès de ses compatriotes…

Anselm Kiefer, jusqu’au 18 avril 2016, Centre Pompidou, Galerie 1, niveau 6. Catalogue sous la direction de Jean-Michel Bouhours, Centre Pompidou.

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